Le poète se meurt
En caressant la bruine esseulée,
Toi le poète, n’entends-tu pas, affolé,
Le temps frissonner, fissure de l’air ?
Et tremblant d’une voix en sourire,
Ne sens-tu pas la lune s’entrouvrir
Et la terre profonde crier sous tes vers ?
Dans l’âtre qui souffle le froid de l’âme,
Ne sens-tu pas cette amante, ta femme,
Toute de désirs s’envoler de ton corps ?
Et de brindilles enflammées et rouges,
Te voilà en mots qui, hélas, ne bougent
Que tels fragiles fils aux rimes d’or.
Mais infimes larmes d’un jour aimé,
Tu laisses doux en tes lèvres perler
Un ultime souffle qui déjà s’assoupi.
Alors, comme en nuit de ta longue vie,
Tu refermes ému ta plume jaunie
Et un dernier geste de ton coeur jaillit…
C’est ainsi la nuit drôle et déroutante,
Qui de sa main d’une finesse si lente
Tisse fière, en ultime poésie de soie,
Cette lumière, et il pleure, délaissé,
Le poète perdu en son âme glacée,
Et le jour s’enfuit une dernière fois.
12/01/13 Thierry Crépin-Leblond Tous droits réservés Texte déposé